Rencontre littéraire avec Benny Mer

par | 17 décembre 2021 | 0 commentaires

Habiter rue Smotshè au cœur de Varsovie, aux côtés de Benny Mer, Gilles Rozier et Anne-Sophie Dreyfus- voilà comment nous avions décidé avec Vleel de terminer cette année 2021 à l’occasion de cette rencontre littéraire en ligne.

Une belle idée, aussi passionnante qu’émouvante, cette rencontre fut de celles qu’on aime vivre parce qu’elle nous enrichit, nous ouvre vers un monde peu connu, avec générosité et sensibilité.

Entre Benny Mer et Anne-Sophie Dreyfus et Gilles Rozier c’est d’abord une histoire d’amitié, mais aussi une histoire linguistique, puisqu’ils ont tous les trois en commun trois langues qu’ils aiment et cultivent au quotidien : le yiddish, l’hébreu et le français. C’est donc tout naturellement qu’ils ont publié le texte d’un ami, que Gilles l’a traduit de l’hébreu, le tout comme une évidence.

Benny Mer dans cet ouvrage part au cœur de la rue Smotshè à Varsovie entre les deux guerres, pour découvrir les hommes et les femmes qui la peuplent avant les ghettos et la Shoah. Il se considère comme un guide mais surtout comme un habitant à part entière de cette rue dans laquelle il se sent à l’aise, partout, dans tous les lieux, comme dans les rues pauvres de Tel Aviv,  après lui avoir consacré deux ans de recherches et cinq ans d’écriture.

Mais alors, comment enquêter sur une rue en particulier dans le patrimoine de Varsovie ?

Pour cela Benny Mer a parcouru de nombreuses sources différentes : témoignages, littérature, presse, fait divers; scannant tous les journaux en yiddish, travaillant énormément sur son ordinateur, récoltant la moindre mention de la rue Smotshè pour la comprendre et la reconstituer telle qu’elle fut dans cette période intermédiaire. Il s’est également servi des témoignages recueillis par l’institut Yad Vashem, pour la mémoire de la Shoah à Jérusalem , témoignages déposés par des familles de disparus et de déportés. Une fois les recherches terminées, il a organisé par ordre chronologique des numéros de la rue le présent ouvrage, comme un guide, ce qui lui semblait le mieux pour son lecteur.

Arpenter la rue Smotshè c’est aller à la rencontre de la communauté juive y vivant en vase clos, majoritaire à l’époque dans les rues de Varsovie. C’est découvrir une population pauvre côtoyant une classe sociale plus aisée, c’est pour Benny Mer parler la langue de la rue, le yiddish, mais y rencontrer également l’hébreu, deux langues qui ne cessent de se croiser. C’est aussi pour lui ressentir beaucoup d’empathie pour ces gens de Varsovie qui connaîtront les ghettos, les camps et la mort. C’est donc parler de ces gens disparus et se sentir mélancolique dès lors que son livre est terminé. Avoir cette sensation nostalgique que la rue lui manque parce qu’il l’a habitée et parce qu’elle l’a habité ; et sentir encore ses odeurs, comme celles de sa propre maison.

Son livre sorti en Israël avant sa publication en France a suscité quelques réactions et notamment Benny Mer a reçu des témoignages de familles dont les ascendants avaient vécu rue Smotshè, preuve que son travail d’archéologue d’un microcosme juif retentit et continue de faire vivre les anonymes de cette rue.

La rencontre s’est terminée par deux lectures. L’une en hébreu par Benny Mer et l’autre du même passage en français par un Gilles Rozier ému, qui, par sa traduction a permis de faire de ce texte un ouvrage qui se lit comme un roman. Une impression confirmée par Benny Mer déclarant à Gilles : « Tu en as fait un livre très français », véritable compliment pour l’auteur à son traducteur.

Bref, ce soir-là nous avons vécu rue Smotshè, hors du temps présent, dans une parenthèse historique qui résonne encore en nous et nous invite tous à lire cette « Biographie d’une rue juive de Varsovie » aux éditions de l’Antilope.

Par @sandra_etcaetera

A VOIR: le replay de la rencontre littéraire en ligne sur YouTube

A LIRE deux retours de lecture sur Smotshè, ici et ici