Comme chaque année, Bruno Doucey et sa maison d’édition célèbrent la poésie aux côtés de Thierry Renard à l’occasion du Printemps des poètes. Retour sur cette rencontre littéraire de saison.
2022 est l’année de la poésie de l’Ephémère et c’est dans une anthologie à la couverture jaune solaire qu’il a réuni 93 poètes et un plasticien pour « 88 plaisirs fugaces ».
Vleel recevait ce soir-là cinq d’entre eux pour fêter comme il se doit la poésie.
Bruno Doucey a d’abord rappelé qu’ils ont connaissance du thème du Printemps des poètes en mai pour un livre qui doit être terminé en décembre. Ce sont donc des mois de recherches et de lecture de textes autour de l’éphémère qui ont rythmé le travail de l’éditeur.
Et comme selon lui « la meilleure anthologie c’est celle que l’on fait soi-même », il a aussi fallu penser à sa structure qui doit donner sens à l’ensemble du livre mais aussi à chacun des poèmes. Face à ce mot « L’ÉPHÉMÈRE » à la fois substantif et adjectif, dans lequel quatre fois se répète la voyelle –E, l’idée de l’acrostiche fut celle de la structuration de l’anthologie. Chaque titre d’entrée forme le mot L’EPHÉMÈRE :
L’instant
Envol
Passion
Humanité
Enfance
Mémoire
Enigme
Rêve
Eternité
Orianne Papin
Professeure de français, elle pratique la poésie au quotidien avec ses classes, par exemple à travers le slam et son incarnation sur scène. Elle s’inspire pour l’essentiel de scènes du quotidien.
« A changer si souvent » sont trois courts poèmes de sa composition qu’on retrouve dans l’anthologie à la lettre E comme « Enfance » car ses trois textes s’intéressent particulièrement à l’enfance et à l’humain. Elle voit dans l’enfance un moment où l’être humain est plus brut et possède encore une certaine forme de virginité qui se dilue à l’âge adulte. Elle trouve que le sentiment existentiel y est alors plus fort et c’est ce qui l’intéresse et l’inspire.
Dans cette même partie on trouve le poème de Jean-Yves Tayac « Courir sur la mer ». Un texte écrit en Crète alors qu’il venait de lire Les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes. Dans l’épisode consacré à Jason et à sa recherche de la toison d’or, il y a parmi ses compagnons, Euphémos, qui court sur la mer.
Jean-Yves Tayac a rencontré la poésie en classe de 4e avec une professeure de français qui l’a incité à écrire des poèmes. Il a beaucoup écrit dans des carnets pour un jour finalement mettre en forme. A travers sa poésie, il veut que s’exprime la liberté. Son ami Pierre Soulage lui a dit un jour : « Je peins pour essayer de saisir ce qui nous échappe », une phrase qui fut comme un révélateur du sens de ses mots.
On peut aussi trouver le poème « Saltimbanchi » d’Ada Mondès dans une autre entrée en –E, cette fois l’ « Envol ». Un poème inspiré du tableau de Picasso Les Saltimbanques, pour son rapport à l’itinérance, au spectacle, un univers qui lui est cher.
Ada Mondès constate qu’aux yeux des autres, être poète c’est souvent étrange, encore plus lorsque, comme elle, on écrit dans différentes langues. Elle n’a pas appris à être poète, c’est juste son rapport au monde qui s’impose à elle sous cette forme. Femme itinérante, tout devient matière poétique dans ses déplacements.
Ariane Lefauconnier, co-fondatrice de la maison d’édition Dix pages au carré, et poétesse publiée dans la revue Gustave, aime évidemment, parce que c’est son quotidien, l’idée d’être sans cesse plongée dans la poésie, pas seulement l’écrire mais aussi ressentir la joie de la partager.
« je me vois bleue… » est un texte écrit pendant la pandémie, issu d’un instant durant lequel une ambulance passait dans sa rue (d’où la couleur bleue du titre). Un poème où il est question d’envol, de départ, de mort et donc d’éphémère. On retrouve son poème dans la section Rêve de l’anthologie.
Deux extraits de « Exercices de joie » de Louise Dupré sont à lire en toute fin d’anthologie dans la partie Éternité.
Louise Dupré, figure importante de la poésie québécoise, avait auparavant beaucoup travaillé sur la douleur, pour finir par s’intéresser à ce que peut être la joie. Et finalement la joie s’oppose au bonheur, car contrairement à lui, elle n’est pas durable.
Louise Dupré anime au Québec des ateliers d’écriture de poésie. Elle constate que les gens ont peur de ce genre, alors elle veut montrer que la poésie est accueillante, car dans la poésie, selon elle, on va à la rencontre de ce qu’il y a de plus profond en soi, pour devenir finalement une sorte de philosophie de vie.
Quant à Bruno Doucey pour lequel la poésie a fait son entrée par l’écriture, il a ressenti à dix ans, en écrivant son premier poème, cette impression de devenir une sorte de funambule capable de parvenir à surmonter ses peurs à travers les mots.
« Bureau des longitudes » est à retrouver dans la partie Passion, il est issu du recueil du même nom, un superbe texte qui semble faire le tour de la géographie du corps aimé dans une délicieuse sensualité.
L’anthologie se termine par un texte et des œuvres de Ernest Pignon-Ernest, un véritable artiste de l’éphémère, posant des images sur des papiers fragiles, dans les rues, en acceptant le processus de dégradation de son œuvre.
Chacun des invités raconte avec générosité sa manière d’aborder la poésie, l’écrire, la mettre en forme, la relire… des échanges à retrouver en intégralité en replay, pour pouvoir fêter la poésie toute l’année !
A voir: le replay de la rencontre sur la chaîne YouTube
A lire: deux chroniques sur le recueil L’éphémère, ici et ici


